Rencontres et Sentiments (Fiction perso)



I- Une rencontre inattendue

          William rêvassait. Il observait, à travers sa fenêtre, l'océan calme et serein se fracassant contre la paroi d'acier sombre du Titanic. Le majestueux vaisseau avait quitté le port de Southampton, en Angleterre, quelques heures auparavant. Le jeune passager, de peur d'être en retard, avait couru sans retenue, afin d'être sur que sa cabine ne serait pas attribuée à quelqu'un d'autre, à la dernière minute. Cette éventualité était bien fantaisiste mais elle l'effrayait au plus haut point. Cependant, dans sa course effrénée, il avait manqué de renverser une charmante demoiselle parmi la foule de badauds venus admirer le plus gros navire de tout les temps, appareiller. Il s'était longuement excusé, faisant sourire la jeune femme. Elle lui avait confié que tout ces gens grossiers l'agaçait et qu'elle serait du voyage, elle-aussi. Mieux encore, elle traverserait l'atlantique en première classe, tout comme William. Elle lui avait proposé, d'ailleurs, de la revoir lorsqu'elle se serait installé et que le navire serait hors de vue des terriens. Après avoir fixé un point de rendez-vous, la jeune femme s'évapora laissant William abasourdi. Jamais, il ne comprendrait les femmes.
          Il attendait donc, repensant à cette entrevue du matin. Ne pouvant plus attendre, il quitta sa cabine. Il traversa d'un pas pressé la coursive d'une longueur incommensurable le conduisant droit vers ce magistral escalier de chêne. Il eu la surprise de voir que cet escalier ne descendait finalement pas plus bas que le pont C, ou se trouvait sa cabine. On lui avait pourtant assuré que cet objet de luxe par excellence traversait le navire de haut en bas. Une porte, sous le coffrage de l'escalier, du côté gauche ouvrait vers le salon de coiffure des premières. Dans cette pièce, se trouvait de multiples souvenirs et objets utiles à la vie du quotidien. Des drapeaux, des chapeaux, des stylos, des plats, des couverts... Toutes ces objets étaient exposés aléatoirement, sans aucune organisations apparente. William avait acheté une petite boite de chewing-gum et un nouveau portefeuille portant le nom du navire avant de ressortir du salon.
          L'heure du rendez-vous approchait et le jeune homme, tout comme lors de l'embarquement eu peur d'un retard manifestement impossible. Il monta rapidement les marches menant au palier du pont B. De cette pièce, il pouvait admirer, à travers une mezzanine le splendide dôme de verre blanc jetant sur l'escalier une lumière éclatante de pureté. Alors qu'il montait les dernières marches le conduisant au pont A. Il se rendit compte que la jeune femme lui avait dit qu'elle serait sous la grande coupole, au pont des embarcations. Dans ce cas, pourquoi ce monstre d'élégance ne se trouvait pas un étage plus haut ? Il questionna un steward. Sa réponse lui fit perdre la tête. Il existerait, d'après l'homme, un deuxième escalier, plus à l'avant du navire, identique à celui-ci mais dont le palier le plus haut serait au pont des embarcations. William demanda au steward le chemin le plus court pour s'y rendre. Celui-ci décida de l'accompagner, facilitant la tâche du passager.
          Ils sortirent par une porte sur le côté de la pièce conduisant vers le pont promenade couvert. D'ici, les passagers étaient abrité des intempéries tout en respirant l'air frais de la mer grâce à une large ouverture, s'étalant sur toute la moitié avant du navire, l'arrière étant fermé par de larges fenêtres. Les deux hommes longèrent le pont promenade, passant devant de multiples fenêtres enfermant la plupart des pièces communes de première classe. Le steward finit par s'engouffrer par une porte menant dans un sas, séparant le pont d'une pièce quasiment identique à celle qu'il venait de quitter. Un escalier de chêne, effectivement semblable au précédent, permettait aux passagers de monter sur le pont des embarcations du Titanic. Le niveau le plus haut accessible aux passagers à bord.
          Enfin arrivé au lieu de rendez-vous, William s'installa dans l'un des fauteuils confortable entourant la pièce. Il salua plusieurs passagers passant par là, quand une jeune femme magnifique apparut lentement, montant les marches avec grâce. Il fut éblouit par ses longs cheveux sombre et détachés, tombant dans son dos. Le contraste avec sa robe d'un blanc éclatant était sublime. En s'approchant, il put admirer ses beaux yeux verts au-dessus de sa bouche rayonnante d'un sourire enchanteur.
          William s'inclina dignement, comme savent le faire les gens du monde, devant la belle demoiselle, à peine reconnaissable. Ils sortirent ensemble, à l'extérieur. Le vent frais leur piqua les yeux, Quatre canots de sauvetage empêchaient les passagers d'admirer l'horizon. Les jeunes gens marchèrent vers l'arrière du navire quand, au détour du dernier des canots placés à l'avant, l'océan se dessina à perte de vue. La jeune femme passa son bras sous celui de William, qui, bien qu'il fut étonné ne laissa rien paraître.
         Ils marchèrent sur le pont pendant de longues minutes, alors qu'ils riaient, William demanda son nom, à la belle qu'il ne connaissait pas hier encore. Elle s'appelait Alice. Alice Stevenson. Leurs bras se séparèrent, laissant leurs mains se trouver et se lier...
          Par un escalier dérobé, ils descendirent au pont A, que William avait déjà eu l'occasion de traverser, accompagné du steward qui l'avait conduit dans le hall d'entrée des premières. Les deux passagers de premières, toujours main dans la main, longèrent le pont promenade vers l'avant du navire. Arrivés au bout du pont, William ouvrit une porte, séparant l'espace extérieur avant du reste du pont. De là ou ils étaient, ils pouvaient admirer la longue proue du majestueux Titanic les emmenant en France.
          La seule escale continentale du navire s'effectuerait à Cherbourg, ils devraient y arriver vers 18h30, le navire ayant prit près d'une heure de retard sur son horaire. Une collision avait en effet été évitée de justesse, alors que le navire manœuvrait pour sortir au plus vite du port de Southampton. Heureusement, aucune conséquences n'avaient été subies. Ni pour les passagers, ni pour le navire.
          Alors qu'ils admiraient la proue interminable diviser l'océan sur son passage, William tourna la tête pour dévisager le plus discrètement possible Alice. Celle-ci s'en aperçut et un large sourire se dessina sur ses lèvres. Elle ne resserra pas sa main sur celle de William, elle avait trop à perdre mais l'envie de le faire, d'oublier tout le passé failli la déconcerter.
Le New-York approche dangereusement du Titanic...
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II- Quelques heures en France.



          Alice et William observaient, émerveillés, la terre française apparaître. Les deux contreforts entourant la célèbre rade de Cherbourg se dessinaient, au loin, la lueur du jour tombait progressivement, au fur et à mesure ou la journée s'achevait. Les officiers du navire le faisant ralentir, le bruit des moteurs se fit de moins en moins audible, se faisant remplacer par le cri des mouettes, accueillant le mastodonte d'acier en cette belle terre de France.
          La profondeur peu commune du Titanic l'empêchait d'accéder au petit port. Il stoppa au milieu de la rade. William pointa du doigt la pointe de la proue, montrant à Alice les quelques matelots préparant les chaines des énormes ancres du navire. Il entraîna la jeune femme sur le côté du navire, toujours au pont A. Ils se penchèrent par-dessus bord, lentement, l'ancre tribord descendait le long de la coque du bâtiment. Elle s'enfonça finalement dans l'eau salée du port, disparaissant aux yeux de nos deux passagers de première classe. Alice, qui s'accrochait à William pour ne pas tomber failli lâcher prise lorsqu'il se redressa, sans faire attention à la jeune demoiselle. Il était décidément bien maladroit. Deux transbordeurs s'approchaient lentement du paquebot. L'un était si près du navire que, de là ou ils étaient, ils pouvaient lire le nom du petit bateau. Le Nomadic. A bord de ce petit transbordeur se trouvait quelques-unes des plus riches personnalités du monde, dont John Jacob Astor IV, l'une des plus grosses fortune de la planète. 
          Les nouveaux amis décidèrent de se rendre au pont D, dans la salle de réception, la ou embarquerait ces riches passagers qui se trouveraient à bord du navire pour le reste de la traversée vers New-York.
          Alors qu'ils traversaient de nouveau le pont A dans le sens inverse, William, se rapprochant d'Alice tenta vainement de lui reprendre la main. Elle refusa d'un simple geste, faisant disparaître ses doigt dans le fond de ses poches...
          Ils retournèrent dans le hall des premières classes, le soleil couchant faisant refléter ses derniers rayons à travers la grande verrière, visible grâce à la large mezzanine du pont des embarcations. Grâce à une cinquantaine de lumière camouflées par un abat-jour de perle de verre  et de verre taillé, en plus de plusieurs éclairages fondu dans les moulures en bois entourant le dôme, celui-ci était éclairé de nuit de la même manière qu'en plein jour, les lumières se reflétant à l'intérieur du dôme. William et Alice allèrent derrière l'escalier ou se trouvait les ascenseurs. Sur les trois, seul l'ascenseur sur la droite était disponible. Ils s'installèrent à l'intérieur, un steward les faisant descendre au pont D.
          Alors que l'ascenseur descendait les deux niveaux les séparant de la salle de réception, William admirait le lambris lisse et brillant de l'ascenseur. Il commençait à se poser des questions. Qui était-elle vraiment cette Alice Stevenson? Après tout il ne la connaissait pas, en quelques heures, ils avaient énormément parlé de lui, de sa vie, de ses passions. Alors qu'il tentait de lui poser une question personnelle, Alice se dérobait de manière magistrale, en rebondissant sur une autre question ou en "oubliant" simplement de répondre. Cependant, elle lui avait prit la main et ce geste, pour lui n'était pas anodin. Il n'avait jamais vécu cela. Depuis sa toute petite enfance, il avait toujours été follement amoureux des femmes l'entourant. Bien qu'il les courtisaient sans relâche, aucune ne lui avait accordé sa main. Ce simple geste l'encourageait et lui donnait la volonté de ne pas abandonner cette jolie jeune femme, si discrète assise derrière lui, sur ce fauteuil confortable. 
          Arrivés au pont D, le steward ouvrit, le plus silencieusement possible, les grilles protégeant l'accès aux ascenseurs. Alice tendit dignement une main en direction de William afin qu'il l'aide à se lever. Ce nouveau geste accentuant ses questions. Ils sortirent alors dans une belle pièce aux murs de panneaux de bois blanc. Le sol de linoléum était composé d'une multitude de couleurs. Une large arche séparait la salle de réception de l'entrée des premières. William et Alice, eux, avaient embarqué au pont B. 
          Soudain, un brouhaha incroyable se fit entendre alors qu'une femme embarquait dans le navire. La  petite femme était bien portante et un large sourire se dessinait sur ses lèvres. 
          -Oh, la voilà, dit Alice d'un air méprisant, j'avais entendu dire qu'elle serait du voyage cette grossière bonne femme!
          -Qui est-ce? Demanda William
          -Margaret Brown, répondit Alice sur le même ton, une nouvelle riche. Elle vient d'une famille de roturier, son mari était simple mineur. Un jour, il a découvert de l'or et depuis ils se sont séparés. Alors qu'il va voir les filles de joie de sa région, elle profite de son argent en le dépensant dans des voyages incessant. Elle ne sera jamais de ce monde. Elle est bien trop vulgaire.
          William, surprit de cette réaction si vive, préféra, à son tour, ne pas répondre, il était gêné. Il ne connaissait pas cette dame. Cependant elle se distinguait effectivement des autres, de part son apparence excentrique et part son langage peu commun.
           Alors que les passagers entraient tour à tour dans la salle de réception, William prit le bras d'Alice. Celle-ci n'eut le temps de rien faire, elle aimait bien ce contact.
         Ils furent coupé par Mrs. Brown criant, d'une voix forte, "Hé Astor!". Un homme d'une quarantaine d'année répondit sur un ton amusé "Bonjour Margaret." C'était lui, l'homme le plus riche qui serait à bord du navire. Le propriétaire de l'hôtel luxueux le Waldorf Astoria. Un siècle plus tard, l'hôtel rasé, serait remplacé par le célèbre Empire State Building. La façon dont Margaret Brown l'avait abordé paraissait bien déplacé par rapport à la classe de l'homme. Cependant, Astor avait l'air de bien connaitre cette curieuse femme et semblait l'estimer puisqu'ils discutèrent ensemble un bon moment.
          Au moment ou Mrs. Brown avait crié le nom de Astor, Alice avait prit ses distance par rapport à William. Comme si à travers son cri, Margaret l'avait grondé comme une enfant, effrayant la jeune femme. Les questions du jeune homme fusaient à travers son esprit. Elle semblait apprécier son contact, mais se refusait à celui-ci. Il n'y comprenait rien.
          Vers vingt heure trente, les machines du Titanic se firent de nouveau entendre. William avait raccompagné Alice à sa cabine, à l'avant du pont A. La fenêtre de la cabine offrait cette vue imprenable sur la proue du navire qu'ils avaient admiré, de l'autre côté de cette cloison, quelques heures plus tôt alors que le navire entrait en rade de Cherbourg.
          Le jeune homme se promenait alors seul, sur le pont des embarcations, alors que le navire s'ébranlait et quittait lentement le petit port français. Il n'avait pas dîner. Alice non plus d'ailleurs. Il repensait à elle. A cette jeune femme, qu'il ne connaissait pas il y a quelques heures. Etait-il trop avec elle? N'appréciait-elle sa compagnie que dans le but de ne pas se retrouver seule? Quelque chose en elle, lui faisait perdre la tête. Elle semblait si lointaine, il avait envie d'apprendre à la connaitre!
         Le Titanic s'éloignait de plus en plus des côtes de France, la nuit étoilée avait remplacé le jour tombant, et la lune, magnifique, se reflétait sur l'océan, tel une torche immergée, poursuivant le navire de sa lueur fantomatique.
Margaret Brown
John Jacob Astor IV






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III- L'homme sorti de l'ombre

          Alice n'arrivait pas à s'endormir. Les moteurs rugissaient dans cet espace silencieux. Le navire, pourtant était réputé "de rêve". Des volets avaient été fixés à sa fenêtre. Sa cabine donnait sur l'avant du navire et toutes les lumières susceptibles de gêner les veilleurs de nuit devaient être camouflées. 
            Le Titanic filait rapidement vers l'Irlande, ou il devait accoster le lendemain matin. Sur la passerelle de commandemant, le silence et l'observation était de mise. Le deuxième officier, Charles Lightoller, acheva son quart. Le poste fut reprit par le premier officier, Murdoch. Il était vingt-deux heures.
          William était toujours sur le pont des embarcations, par le même escalier qu'il avait emprunté avec Alice l'après-midi, il redescendit au pont A. Il longea le pont en direction de la poupe. Il contourna la cloison intérieur qui renfermait le café véranda. La pièce était encore illuminée mais certainement plus pour longtemps. Le vent frais décoiffait les cheveux noirs du jeune homme. Le haut mât d'apparat du navire se confondait avec le ciel étoilé. Il s'avança vers la balustrade avancée, à l'extrême arrière du pont avant de s'y accouder. Il observait la poupe du navire. A l'image de la proue, elle était d'une longueur appréciable mais à l'inverse, elle était largement éclairée. Les quelques bancs réservés aux troisièmes classes et la passerelle de poupe étaient visible de là ou il était. Toute cette partie était silencieuse et vide. On entendait l'eau refoulée par les hélices, actionnées par les machines dont le bruit des moteurs était audible.
          En regardant les étoiles, il se demandait si elle pensait à lui. Il l'imaginait, derrière lui, arriver doucement dans sa jolie robe blanche. Il se retourna, le pont était désert. Elle dormait probablement, perdue au milieu de ses rêves,  l'ayant déjà oublié...

*   *
*

          La lumière du jour traversait les vitres de la fenêtre de la cabine d'Alice. Celle-ci dormait profondément. La journée de la veille l'avait rendue heureuse mais la stressait énormément. Elle sentait en cet homme quelque chose de rassurant. Cependant, elle ne pouvait pas se laisser aller...
          Elle se réveilla en sursaut! Les volets empêchant la lumière de passer avaient été retirés. Elle n'avait pas envie de se lever. Ce jour faisait parti de ceux que l'on détestait car il succédait une journée que l'on avait pas envie de quitter. Elle voulait le revoir mais ne se l'avouait pas. Sa liberté avait plus de valeur qu'un homme. Elle ne savait même pas ou se trouvait sa cabine.
          Ce bateau était si gigantesque qu'elle avait peur de se perdre dans l'une de ses coursives. Elle se leva, tout de même pour aller se préparer dans l'une des salles de bains, proches de sa cabine. Une fois prête, elle prit la direction de la grande salle à manger de première classe, attenante à la salle de réception qu'elle avait visité hier, en compagnie de William.
          Alors qu'elle descendait les escaliers, elle croisa Thomas Andrews, l'architecte du navire. L'homme de 39 ans, accompagné d'un carnet et d'un stylo prenait en note les détails qu'il faudrait revoir à l'arrivée du navire lors de son retour à Southampton.
          William s'était levé près de deux heures avant Alice. Celui-ci avait prit son petit déjeuner dès huit heures, à l'ouverture de la salle à manger. La pièce était effectivement d'une longueur inimaginable, composée en compartiments et au centre de trois tables pouvant accueillir de huit à douze personnes, pour la plus grande. Depuis son repas et alors que Alice mangeait à présent, il avait entreprit une exploration des coursives du navire. Il avait remarqué à plusieurs endroits des grilles empêchant l'accès aux parties des classes inférieures mais surtout faites pour empêcher les deuxième et troisième classe de monter en première.  Alors qu'il était au pont E, il remarqua qu'un accès aurait peut-être été possible pour se rendre en deuxième classe. Certaines cabines de premières pouvaient être attribuées à des deuxièmes et inversement, la séparation entre les classes était donc moins précise. Pour l'heure, il voulait remonter à l'air libre, les côtes irlandaises devraient apparaître dans peu de temps, à présent. Une affiche placardée annonçait qu'ils devraient y arriver vers onze heures du matin, il était, à présent onze heures moins vingt. William, encore une fois savait qu'il serait à l'heure mais il ne voulait pour rien au monde louper ce spectacle. Il se força à ne pas emprunter les ascenseurs, il voulait prendre son temps pour monter les cinq étages le séparant du pont des embarcations. Alors qu'il posait le pied sur le palier du pont D, il vit, pratiquement face à lui, la belle Alice qui prenait la direction des ascenseurs, pour retourner, sans doute, à sa cabine. Ils se saluèrent, de la même manière que deux étrangers et passèrent leurs chemins. Soudain, William s'arrêta et fit demi-tour, il rattrapa Alice d'un pas rapide pour lui demander de venir avec lui, observer l'apparition des côtes irlandaises. La jeune femme acquiesça avec joie mais resta froide jusqu'à leur arrivée sur le pont. Il ne devait pas se faire d'idées, non, surtout, il ne devait pas s'imaginer qu'il lui plaisait. Elle devait garder ses distances.
          Pour William, ce changement permanent d'attitude lui était pénible, il ne savait plus comment interpréter cette jeune femme qui pourtant, il en était sur, avait envie d'être avec lui. Ses yeux le lui confirmait à chaque fois qu'il croisait son regard.
          Les côtes irlandaises se dessinaient lentement à l'horizon. Le navire, fit de nouveau ralentir les machines. Comme à Cherbourg, Le Titanic était trop profond et devait s'arrêter en rade de Queenstown. Les montagnes, à présent, étaient bien visible, alors que le navire faisait son entrée. De la même façon qu'en France, deux petits transbordeurs amenaient les passagers, surtout des immigrants à bord. Le navire comptait désormais tout ses passagers. Deux-milles-deux cent âmes s'apprêtaient désormais à vivre un peu plus de six jours de traversées. Alors que les passagers embarquaient, William et Alice admiraient les côtes irlandaises. Elle était dans ces moments ou elle se fichait du reste du monde, plus rien ne comptait à part elle et celui qui était à ses côtés. L'air se rafraîchissait et elle le fit savoir à William, aidée par un frisson incontrôlable. Celui-ci hésitait, il aimerait la réchauffer dans ses bras mais accepterait-elle ? Il se rapprochait doucement et lui caressa doucement l'épaule. Elle sourit, il prenait confiance en lui, tout en se collant de plus en plus à elle mais en quelque seconde tout bascula.
          Une passagère hurla d'effroi, elle répétait sans cesse « La cheminée, regardez la cheminée ! »
          Les jeunes gens regardèrent comme le reste des passagers. Une « gueule noire » avait escaladé la dernière cheminée du navire. Etant décorative, il ne risquait pas de mourir ébouillanté par la vapeur noir que crachait les trois autres cheminées. De son repère, il effrayait les passagers, avec ses cheveux sales, ses vêtements usés et sa tête colorée par la poussière de charbon.
          Une fois de plus, le lien que William tentait désespérément d'établir avec Alice fut brutalement rompue. Elle semblait s'être renfermée et plus aucuns contacts ne paraissait désormais possible. Elle était visiblement exténuée...
          -Ils sont partout ! On ne peut être tranquilles nul-part. Personne, non personne ne me laissera donc jamais vivre ? Elle ne criait pas, elle parlait sur un ton résigné.
          -Cet homme, demanda William, vous le connaissez ?
          -Non, bien-sûr que non mais son apparition prouve bien que celui qui veut suivre quelqu'un le peut! Sans forcément se faire remarquer, ajouta-t-elle avec un sourire.
          Elle posa sa tête sur l'épaule du jeune homme mais un éclair de culpabilité la fit se redresser.
          Alors que le pilote du Titanic manoeuvrait et quittait la rade de Queenstown, un des premiers appareils photos immortalisa la dernière scène visible de la terre du plus grand navire jamais construit au début du siècle dernier. Et que pouvons-nous voir sur le haut de la quatrième cheminée de cette photo? Un petit point noir, qui fait étrangement ressembler à un tête humaine! 
Le Titanic appareillant d'Irlande. On apperçoit en effet, en haut, à gauche de la quatrième cheminée un petit point noir!
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IV- Le restaurant à la carte

         Alice espérait qu'elle le reverrait, celui que son coeur avait choisi. Elle ne pensait pas qu'il pouvait comprendre réellement ce qu'elle lui avait dit mais sa gentillesse l'avait touchée. Son air triste qu'il essayait de dissimuler l'avait fait fondre. Elle s'était forgée un coeur de pierre durant ces années et ne savait pas ce qu'avait fait William pour briser toutes ses défenses en aussi peu de temps.
         Mais vous, lecteurs, vous devez vous y perdre, non? Pour savoir ce qu'il s'est passé depuis le départ du Titanic de Queenstown, remontez avec moi le fil de cette journée du 11 avril 1912 pour arriver aux alentours de midi, alors que les deux jeunes gens se rendaient à la salle à manger du pont D, derrière la salle de réception où ils étaient aller voir les nouveaux passagers de Cherbourg.
          En arrivant sur le palier du pont B, le jeune William dont les yeux étaient remplis des beautées de la côte irlandaise sembla revenir sur terre en un instant.
          -Il me semble qu'il y ai un nouvel endroit disponible pour que nous puissions manger à bord de ce vaisseau, dit-il à Alice. Le restaurant à la carte, il me semble qu'il se situe à ce pont.
          -Après-tout, répondit Alice, à toi de décider, je veux juste manger. J'ai faim.
          Cette façon de répondre et surtout ce tutoiement spontané perturba, encore une fois William qui acquiesça et prit le chemin du restaurant qu'il imaginait à l'arrière du navire. Il traversèrent une coursive d'une longueur incommensurable pour se retrouver dans une pièce élégante de bois blanc. L'escalier arrière de première classe trônait au centre de la pièce. Quelques personnes étaient déjà assises aux tables installées dans la pièce. Les jeunes gens empruntèrent un petit corridor. Sur la droite, quelques patères élégants supportaient chapeaux et manteaux. Ces patères précédaient une large double-porte ouverte.
          Le restaurant à la carte était illuminé et une ambiance chaleureuse émanait de la pièce. Luigi Gatti, l'Italien qui tenait le restaurant vint les recevoir. Ils avaient de la chance, une table venait de se libérer et Luigi leur dit de s'installer bien qu'il n'aient pas attendu dans la salle de réception. La petite table de deux personnes, séparée du reste de la pièce par une demi-cloison formant des compartiments était propice aux confidences.
          Alors qu'ils s'installaient, William heurta le pied d'Alice qui le retira rapidement en souriant. Un regard perçant lui fit douter de ce qu'elle ressentait pour lui. Il décida de prendre son courage à deux mains.
           -Où allons-nous tout les deux? Il devenait écarlate au fur-et-à-mesure ou il parlait. Nous ne nous connaissions pas hier mais tout ces petits gestes qui nous rapproche semble disparaître derrière une barrière transparente.
           Un silence suivi les paroles de William qui était décidé à avoir une réponse.
           -N'approfondi pas les abysses, s'il te plait, répondit-elle d'un ton suppliant.
           William ne voulait pas en rester là mais les yeux de la jeune femme embués d'émotions dissuada le jeune homme d'insister, cependant, elle continua d'elle-même.
          -Tu sais que tu ne me laisse pas indifférente William. Je pensais que tu l'avais compris, ça me fait peur, tu comprends?! Je me suis toujours refusée à un quelconque sentiment depuis tant de temps, je ne pourrait pas te dire pourquoi, c'est trop difficile, comprend-moi, je sais que c'est compliqué, trop compliqué même...
           Luigi apporta la carte des menus qui constituait la grande nouveauté de ce restaurant où l'on pouvait choisir son propre menu. Son intrusion coupa court à la conversation. Le jeune garçon ne savait plus quoi penser. C'était la première fois, pour lui, qu'on lui avouait de tels sentiments, pour cette seule raison, il ne voulait pas laisser tomber cette jolie jeune femme dont les yeux brillaient quand elle le regardait. Il ne voulait pas briser la confiance qu'elle avait mit en lui. Elle semblait dure, insensible à première vue, mais ses quelques paroles prouvaient bien le contraire. Il décida en son fort-intérieur de ne pas la laisser, d'essayer de savoir, malgré le temps que cala prendrait, il voulait la libérer de ce secret qui, apparemment, la rongeait de l'intérieur.
           Alice et William continuèrent leur repas dans un silence tendu. Ils finirent par se séparer à la fin du déjeuner, après avoir remercié Luigi pour ce moment délicieux. Chacun avait besoin d'un moment de solitude. Ils ne se dirent pas à bientôt, ni adieu, leurs yeux parlèrent et, alors que William prit la direction du pont C, ou se trouvait sa cabine, Alice s'en retourna elle-même vers sa propre cabine, au pont A.
           Plongée dans ses pensées, elle espérait qu'elle le reverrait, celui que son coeur avait choisi...



Luigi Gatti
Le restaurant "à la carte"


















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La fin des aventures.

          Le Titanic filait vers son destin depuis plusieurs heures maintenant. William, une fois dans sa cabine, s'aperçut qu'il ne voulait pas rester sans bouger. Il se leva d'un bond de son lit, prit un manteau à la volée et sortit. Il montait l'escalier de première, traversant le pont B, A, avant d'arriver à l'entrée du pont des embarcations. Il sortit sur le pont. L'air frais du navire lui avait piqué les yeux lorsqu'il arriva à l'extérieur. Le jeune homme marchait le long du pont. Alors qu'il s'accoudait à la rambarde extérieure, l'esprit déjà loin, le regard vide, il pensait à elle. Que lui arrivait-il? Il fallait qu'il la retrouve, tout de suite. Alors qu'il allait repartir, un couple de personnes âgées vint l'aborder. 
          Les Strauss, un couple d'une fortune inimaginable. Propriétaire des magasins Macy's à New-York. William se demandait ce que ces gens attendaient de lui. Il les salua dignement mais avec une expression visiblement étonnée. Isidor Strauss parla en premier.
          -Bonsoir, jeune homme. Cela fait plusieurs minutes que nous vous observons du haut de la terrasse, au-dessus du salon fumoir avec Ida, ma femme. Nous vous trouvions l'air pensif. Auriez-vous besoin de quelque chose? 
          -Sachez jeune homme, continua Ida d'un ton compatissant, que nous sommes à votre disposition si le besoin s'en fait ressentir.
          -M...merci, balbutia William.
          Le vieux couple s'en alla, Isidor lui lançant un petit clin d'oeil à peine perceptible. William ne savait pas pourquoi, mais il était sur que le couple savait qu'il était troublé par une femme. En les voyant s'éloigner, il sentit ses yeux s'embuer. Le vieil homme tenait encore, d'une poigne ferme mais tendre la main de sa femme.
          William allait retrouver Alice le plus vite possible, mais au détour d'une coursive, il trouva la jeune femme au bras d'un autre homme, avec qui il avait sympathisé sur les quais, avant la rencontre fracassante avec la jeune femme. Son coeur sembla s'arrêter. Jouait-elle avec lui? Se moquait-elle des hommes à ce point? Son histoire apparemment angoissante ne serait-elle pas qu'un écran de fumée pour faire fuir les hommes une fois attiré? William avait comprit en ce posant ces questions que la réponse était la même pour chacune d'elle et alors qu'Alice enlaçait tendrement cet inconnu, William fit demi-tour avec sur le coeur, une terrible déception.

          Alors que le navire sombrait de plus en plus, la passerelle de commandemmant était déjà sous l'eau, William, après avoir sauté du géant en train de périr nagea jusqu'à un canot. Il fut l'un des seuls à parvenir à se hisser à bord de l'un deux. C'était le radeau pliable B, le canot était retourné et dessus se trouvait le deuxième officier ou l'opérateur radio junior. A bord du Carpathia, qui les avait récupérés, William reconnut Alice, au fond de la salle à manger. Elle le regarda d'un air si attendrit, si désespéré qu'il alla la rejoindre.
          -Tu sais, je t'ai vu l'autre jour, quand j'étais avec Thomas. Il est mort cette nuit, tu ne voudrais pas que l'on reprenne notre histoire?
          Au son de ses paroles, William crut qu'il allait défaillir. Elle jouait avec les hommes au point de se moquer de leurs propre mort. Il la regarda et n'ajouta qu'un:
           -J'espère qu'il aura profité de ses dernières heures avec toi/
          -Oh, non, je lui ai dit que c'était finit alors que je montais dans ce canot, c'est avec toi que je voulais être.
          Elle était ignoble, avec un air de dégout, William la dévisagea une dernière fois avant de se s'en aller et de ne jamais plus se retourner. Leurs séparation avait été comme leurs rencontre, inattendue.
G.JUET    
~~09:53~~
18/01/2013
FIN


Le Carpathia

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